http://desinfos.com/la-revue-des-infos/le-piege-de-l-unrwa.html https://www.nuitdorient.com/n2564.htm
Créée pour mettre fin au problème palestinien, l’UNRWA l’a
pérennisé. Ou comment la générosité internationale s’est retournée contre
elle-même.
William O. Douglas, juge
à la Cour suprême des Etats-Unis, effectue en 1950 un voyage d’études en
Israël et en Jordanie, dont il tire un livre, « Strange Lands and Friendly
People » (« Pays étranges et braves gens »). Il recueille le
témoignage de Karl Reiser, le directeur de la Croix Rouge à Amman , et du
père William, un franciscain qui travaille au camp de Sukhneh, où 16 000
réfugiés palestiniens ont été regroupés :
« Un beau matin » , explique le père William, « on lui demande de prendre en
charge un groupe de réfugiés d’origine bédouine qui campait à la périphérie
d’Amman. Karl y est allé. Le premier jour, il a enregistré 200 personnes. Le
deuxième jour, 300. Le troisième, plus de 500. Il m’a demandé s’il y avait
réellement autant de réfugiés bédouins dans la région. Je lui ai répondu qu’à
mon avis, il n’y en avait qu’une centaine en tout et pour tout. »
Karl Reiser décide d’enquêter, avec
l’aide d’employés arabes. Conclusion :
« Un petit groupe de Bédouins s’était installé
derrière une colline, à un mile de distance environ, et ses membres se
faisaient constamment réenregistrer.
Pour ne pas être reconnus, les hommes
mettaient ou retiraient leur keffieh, ou prenaient soin de se faire
accompagner, à chaque inscription, de femmes ou d’enfants différents. »
Chaque inscription donne droit, évidemment, à une aide
supplémentaire.
Dans la Jordanie de 1950, cela suffit à passer de la pauvreté à
l’aisance. Comment résister à la tentation ?
Mais ce scénario finit par
impliquer également des non-réfugiés. Un étrange engrenage se met en place…
Le premier rapport des Nations Unies
sur les réfugiés de Palestine, publié le 10 septembre 1948, comptabilise 360 000
personnes déplacées.
Le deuxième, publié le 18 octobre 1948, à un moment où les
opérations militaires ont cessé dans la plupart des zones densément habitées de
Palestine, arrive au chiffre de 472 000 réfugiés , principalement
arabes, et estime qu’on ne devrait pas aller au-delà de quelque 500 000
réfugiés au total.
- Dans un premier temps, les secours ont été assurés
par des organisations caritatives occidentales , les
mêmes qui ont pris en charge quelque 40 millions de personnes déplacées en
Europe au lendemain de la Seconde Guerre mondiale : « American Friends Service Committee » (AFSC),
émanation du mouvement quaker , le « Comité international de la
Croix-Rouge » (CICR), la « Ligue des Sociétés de la Croix-Rouge »
(LRCS). Elles ont été rejointes par une « Mission
pontificale en Palestine » (MPP).
- Le 1er décembre 1948, l’ONU met en place une agence
provisoire, dotée de son propre personnel et d’un budget de 32 millions de
dollars (près de 400 millions de dollars de 2024) : le « Secours des
Nations Unies pour les Réfugiés de Palestine » (« United Nations
Relief for Palestine Refugees » , UNRPR), dont le
siège est à Genève.
- Un an plus tard, le 30 novembre 1949, l’ONU constate que le problème des réfugiés palestiniens
n’est pas réglé en dépit de la signature, plusieurs mois plus tôt, de
cessez-le-feu entre Israël et les belligérants arabes,
et qu’il est donc « nécessaire de maintenir une aide humanitaire » en
faveur de ces populations, « afin de les protéger de la famine et de la
détresse ». A cette fin, elle transforme l’UNDRP en « Agence des
Nations Unies pour le Secours et les Travaux en faveur des Réfugiés de
Palestine au Proche-Orient », « United Nations Relief and Works Agency for Palestine Refugees in
the Near East », UNRWA, dont le siège est
fixé à Beyrouth, sur le terrain .
Aucune aide spécifique n’est prévue pour les réfugiés
juifs du monde arabe et islamique qui affluent au même moment en Israël.
L’UNRWA commence ses opérations le 1er mai 1950…
S es crédits sont considérables, ils correspondent à près de 10 % du
PNB libanais à la même époque, au sixième du PNB de la Syrie, à la totalité du
PNB transjordanien. En d’autres termes, ils assurent d’emblée à ceux qui en
bénéficient un niveau de vie égal ou supérieur à une partie des populations
non-réfugiées.
En septembre 1949, l’UNRPR constate qu’elle distribue des rations
alimentaires à plus d’un million de personnes. « Nous
sommes contraints de conclure à des cas de redondance dans les dossiers de
réfugiés », déclarent sobrement ses responsables. Dès sa création, l’UNRWA
décide donc de procéder à un recensement des réfugiés et « autres
demandeurs d’aide ».
L’opération commence en mai 1950. La plupart des 400 enquêteurs
engagés à cette fin se laissent corrompre, ou font
l’objet de menaces ; il faut les remplacer, ou leur procurer
des gardes du corps.
Au printemps 1951, l’UNRWA suspend les nouvelles inscriptions tant
que le recensement n’est pas terminé : une mesure qui, pense-t-on, incitera les
demandeurs à plus de discipline. Des émeutes éclatent. L’Agence internationale
suspend la distribution des secours : nouvelles émeutes, plus violentes
encore que les précédentes . La presse arabe accuse l’UNRWA de vouloir « assassiner »
les réfugiés, en commençant par « les enfants privés de lait » .
Les gouvernements arabes exigent la reprise immédiate des inscriptions et des
distributions. Dirigée et encadrée par des Occidentaux chrétiens – Anglo-Saxons
et Scandinaves pour la plupart -, l’agence est accusée de mener une politique « colonialiste »,
« impérialiste », « raciste », à l’égard des Arabes et des
musulmans.
En juin 1951, l’UNRWA capitule . Elle renonce
au recensement et reprend ses distributions . En
contrepartie, les gouvernements arabes acceptent de « plafonner » les
populations de « réfugiés et autres victimes de
1948 » à près d’un million de personnes, étant entendu que les enfants à
venir seront agrégés à ce premier total.
Cela peut passer pour un compromis. Mais dès lors, l’organisation
sera sans cesse confrontée à de nouveaux chantages ,
et ne pourra que céder à nouveau. Elle acceptera successivement
la pérennisation et le caractère héréditaire
de la population assistée – le seul cas de ce type sur une période de plus de
soixante-quinze ans -, le maintien et le renforcement des personnels de
l’agence, leur arabisation presque totale, et enfin la collusion d’une partie
d’entre eux avec des organisations terroristes telles que le Hamas à Gaza.
Pour les Palestiniens, le phénomène UNRWA a été avantageux à court
et moyen termes, mais désastreux à plus long terme . Il a conduit, dans
une partie au moins de la société palestinienne, à une « culture
d’irresponsabilité », fondée sur l’attente de l’aide extérieure (1,2
milliard de dollars par an en moyenne, contre 12 milliards pour les 32 millions
d’autres réfugiés secourus par l’Onu), mais aussi à une « culture du déni »,
où les circonstances des années 1948-1951 ne sont jamais abordées de manière
réaliste.
C’est l’une des raisons pour lesquelles aucune population
relativement bien éduquée n’a pu devenir une « start up
nation » arabe : capable de se développer en synergie, ou pourquoi pas en
concurrence, avec Israël.
Ce témoignage du journal « Le Monde » de 1951 démontre que la « nakba » est une transformation postérieure
des faits .
Publié
par Jean-Patrick
Grumberg le
17 décembre 2023 https://www.dreuz.info/2023/12/le-monde-1951-palestine-182109.html
"L’un
des jeunes bureaucrates grassement payés que l’UNRWA entretient à Beyrouth – un
de ces fonctionnaires internationaux dont l’idéalisme s’accroche obstinément à
des illusions – me racontait qu’il y a quelques mois qu’il avait organisé
dans un des camps de réfugiés la culture des légumes autour des tentes. Occuper
ces gens tout en ajoutant à leurs maigres rations quelques légumes frais lui
avait semblé une excellente idée.
Quelques
semaines plus tard arrivait du quartier général une sévère réprimande : « Arrêtez
immédiatement opération carré légumes… » .
« La
raison ? » ,
demandai-je, désireux d’obtenir quelques éclaircissements.
« Cela
sentait l’intégration… » . Il haussa les épaules."