ב''ה
Ce soir, en IsraEl, et demain toute la journée, les synagogues seront pleines.
En "diaspora", comme disent les Juifs de l'exil, ceux qui préfèrent rester dans des pays qui les rejettent... (je n'ajoute rien, j'ai promis d'arrêter la mauvaise langue, mais je suis triste quand même, pour nous et pour eux)...
...en exil, donc, les synagogues ne suffiront pas et certaines communautés ont loué des salles en dehors pour contenir les... Juifs de Kippour.
Kippour est leur dernier lien avec D.ieu et leur peuple.
Kippour est un jour de joie, le Jour où HaChem nous confirme qu'Il nous pardonne toutes nos fautes, à condition bien sûr que nous revenions à Lui, et que nous prenions la décision de réparer nos torts envers notre prochain.
(Kippour est quand même triste, triste pour moi quand je pense à tous les Juifs qui, depuis plus de 60 ans, sont encore à l'étranger, enfin...)
Kippour commence par une prière vraiment très particulière: Kol Nidré.
Kol Nidré vise à annuler les vœux de la communauté avant l’entrée
de Yom Kippour. Cela confirmera à certains que nous sommes décidément de fieffés hypocrites, que nous
faisons des promesses avec l'intention de ne pas les tenir.
Mais avant de juger, mieux vaut d'abord savoir l'origine de cette prière à première vue bizarre. Cela nous transporte à une période très noire de l’histoire de notre
peuple, celle de l’Inquisition.
En 1492, les Juifs
d’Espagne sont sommés par la reine Isabelle la Catholique de choisir entre la
conversion par la force au christianisme, la mort ou l’exil.
Nombreux sont ceux qui
se convertissent alors officiellement, mais qui, dans le plus grand secret, continuent
à respecter du mieux qu’ils peuvent certains commandements, et particulièrement
Pourim, Pessa’h et Yom Kippour.
La reine Isabelle
emploie l’un de ces Marranes (mot venant du vieil espagnol et qui signifie
"cochon", car c'est ainsi que les chrétiens espagnols nomment les
Juifs devenus chrétiens). Ce Marrane donc se nomme Da Silva. Il est son
trésorier en qui elle a entière confiance et qu’elle ne soupçonne bien entendu
pas d’avoir conservé sa foi juive et continué de respecter les commandements.
Deux fois l’an, le soir
de Pessa’h et le soir de Kippour, bravant leurs peurs, les Marranes prennent
l’habitude de se réunir dans des caves pour y prier. Deux fois l’an, ils
retirent les croix qu’ils sont contraints de porter au cou. Deux fois l’an,
ils peuvent enfin agir en tant que Juifs.
Mais comment entamer
les prières de Kippour, le jour du Grand Pardon, alors que l’on s’est durant
toute l’année agenouillé devant des crucifix, que l’on a fait le signe de la
croix, que l’on a prié dans des églises et que l’on a mangé des nourritures
interdites ? Comment se purifier et renouer la chaîne de la filiation
juive ? C’est là qu’intervient le Kol Nidré.
Son introduction
d’abord :
"Au nom du conseil d’en Haut et au nom du conseil d’en
bas,
avec le consentement d’Hachem
et avec le consentement de cette sainte
congrégation,
nous déclarons qu’il est permis de prier avec les
transgresseurs."
Les transgresseurs, ce sont eux-mêmes, les Marranes, qui
s’empressent de prier Kol Nidré et d’annuler tous les vœux, tous les mensonges et tous les engagements qu’ils ont été contraints de
prendre cette année alors que l’œil de l’Inquisiteur surveillait leurs moindres
gestes.
Durant cette prière,
les Marranes épanchent toute la douleur enfermée au plus profond de leurs
cœurs. C’est ainsi qu’ils entament la journée de Yom Kippour, le cœur brisé.
Cette tradition se poursuit et en 1497, comme chaque année, les Marranes, et Da
Silva avec eux, se réunissent dans une cave pour prier l’office de Kippour.
Mais au moment où ils l'entament, les soldats de l’Inquisition, habillés
de blanc, font irruption et arrêtent tous les fidèles. Ils sont immédiatement
enfermés dans les cachots les plus sombres et les plus répugnants d’Espagne.
Lorsqu’Isabelle la
Catholique entend que son fidèle trésorier a été arrêté, elle se tourne vers
l’évêque et use de tout son pouvoir pour sauver Da Silva des flammes de
l’autodafé. L’évêque écrit alors une lettre à Torquemada, le grand Inquisiteur.
Cette missive arrive juste au moment où les Marranes sont conduits au bûcher.
Le bourreau annonce alors à Da Silva que selon la volonté de la reine, il est
gracié, à condition bien entendu qu’il jure sur la croix qu’il sera désormais
un fidèle chrétien, adepte de la foi de celle qui l’a sauvé.
Mais à la surprise de
tous, Da Silva refuse. Il veut mourir en tant que Juif. Plus encore, il court
vers le bûcher et s’immole lui-même par le feu par crainte de céder à la
dernière minute. Un homme est présent, parmi la nombreuse foule venue assister
à l’exécution. Il est Marrane également. Compositeur, il assiste à la scène et
les premières notes du Kol Nidré se jouent déjà dans sa tête, ce même Kol Nidré
que Da Silva a récité quelques jours auparavant.
C’est cet air qui,
jusqu’à aujourd’hui, ouvre les prières de Yom Kippour. "Kol Nidré", le cantique
des Marranes, ces "transgresseurs" auxquels non seulement D.ieu a
permis de prier, mais dont les prières prononcées dans la crainte et la peur
sont montées directement jusqu’au trône divin.
Sources :
Laly
Derai, Hamodia, 6/10/2011
Notre roman "Le Jour Un de la Délivrance" raconte un Kol Nidré de l'an 1492, relisez p 127 à 129, relisez le début, ici en ligne sur
où vous pourrez aussi le commander.
Soyez inscrit(e) dans le Livre des Vivants.