Franchement à l’orage (info # 011903/9) [Analyse] Par Guy Millière © Metula News Agency
J’ai plusieurs fois écrit que le temps allait rapidement passer à l’orage pour ce qui concerne les relations entre Israël et les Etats-Unis. Nous y sommes. Pleinement. Plus vite encore que je ne l’aurais imaginé dans mes moments de pessimisme. Le ciel est décidément sombre et lourd de grêle. Bien entendu, il n’y a pas eu d’imprécations ou de paroles trop violentes, tout au moins pour le moment. On en reste sur le terrain des suggestions et des allusions.
Néanmoins, les propos tenus par Hillary Clinton lors de son récent séjour au Proche-Orient, et à son retour aux Etats-Unis, sont assez clairs. Si on leur ajoute ceux de John Kerry lorsqu’il s’est rendu à Gaza et à Damas, le message est plus clair encore. Si on ponctue le tout des propos et positions de George Mitchell, l’homme qui pense que la situation au Proche-Orient répond aux mêmes paramètres que la situation en Irlande, il devient limpide. Si on ajoute au paysage les valses hésitations de Susan Rice aux Nations Unies, en direction du bloc islamique, le retour de Samantha Power, adepte des thèses de Walt-Mearsheimer, maintenant installée à la Maison Blanche, pas très loin du Bureau Ovale, la nomination manquée de Chas Freeman, compagnon de route du wahhabisme saoudien et de la dictature chinoise, pour présider le National Intelligence Council, la limpidité devient telle qu’elle est presque douloureuse.
Et je préfère ne pas revenir sur les propos venant d'Obama lui-même, à jet presque continu, de l’entretien accordé à Al Arabya le lendemain de son intronisation, à ses conversations avec les dirigeants indonésiens, le 13 mars dernier, sur les « ententes » à trouver entre les Etats-Unis et l’islam, sinon la douleur pourrait devenir insupportable.
L’aveuglement volontaire, façon Jimmy Carter il y a trente ans, est de retour, et quand on voit ce qu’est devenu Jimmy Carter depuis, ce n’est pas vraiment prometteur. Barack Obama a un titre à décrocher, que j’attribuais, jusqu’à présent, à Carter : celui de pire Président de l’histoire des Etats-Unis. La ligne est tracée. Les Etats-Unis vont négocier avec l’Iran, tendre la main ; et si on leur crache dans une première main, ils tendront la deuxième. Si c’est insuffisant, ils tendront la joue, et s’ils reçoivent une gifle, ils tendront l’autre joue. Ce sera pitoyable. Ca l’est déjà. L’Iran posera ses conditions, et elles seront acceptées, quitte à ce qu’elles soient enrobées de quelques phrases jetées à la cantonade à l’attention des derniers crédules. L’Iran disposera de tous les moyens de construire une arme atomique, mais il ne franchira pas l’ultime étape : il se contentera du « nucléaire civil » qu’il pourra convertir, si besoin est, en une seule journée, en nucléaire militaire.Pour ne pas franchir l’ultime étape, l’Iran mettra des conditions, qui sont déjà en train d’être remplies : la réintégration de la Syrie dans le concert des « nations civilisées », celle du Liban sous la coupe du Hezbollah, avec lequel on discute déjà. En Afghanistan, comme je m’y attendais, on cherche avec ferveur des « talibans modérés » avec qui s’entendre. Cherchera-t-on bientôt des terroristes modérés ? Vous savez : des gens qui tuent des civils, mais avec modération. On peut le supposer.
L’Irak, libéré du joug sanglant de Saddam, n’a, dans ces conditions, qu’à bien se tenir. Si les émirats du Golfe se sont demandés qui était en position de force au cours des derniers mois, ils ne se le demandent plus, tout comme l’Arabie Saoudite et l’Egypte. En ce qui concerne Israël ?
Il faut bien céder quelque chose si on veut adopter la position du tapis de prière persan au pied des mollahs ; et les autres conditions ne sont que des hors d’œuvre. Israël se verra demander le Golan pour la Syrie, l’intégralité de la Judée Samarie et la moitié de Jérusalem pour l’Autorité Palestinienne, à qui, par contre, on ne demande et ne demandera strictement rien, sinon de former un gouvernement de coalition avec le Hamas, qui, d’un seul coup, rendra celui-ci fréquentable.Le Hamas a, pour l’heure, tendance à ne pas se laisser convaincre : on va redoubler d’efforts à Washington pour le pousser dans la direction souhaitée. Les milliards promis pour la reconstruction de Gaza, qui n’iront pas vers le Hamas directement, mais passeront par l’UNWRA (qui collabore avec le Hamas), ne suffisent pas ? On en rajoutera quelques autres, s’il le faut. Ces gens là ont des frais : acheter des roquettes, creuser des tunnels, maintenir une population dans les décombres.
Un gouvernement israélien qui n’obtempèrerait pas se verrait accusé d’être un ennemi de la paix, voire bien pire, si on trouve une qualification adéquate.Le gouvernement américain ne prononce pas certains mots : il laisse d’autres les proférer. L’Union Européenne est sur la longueur d’ondes de l’administration Obama pour ce qui concerne la politique étrangère, et Javier Solana l’a souligné sans ambages : Israël a nettement intérêt à faire ce qu’on lui demande de faire, sinon il lui en cuira.
Quelle conduite peut adopter Israël ? La résistance. Car c’est la seule issue en pareil cas. Les Européens seraient prêts, j’en ai peur, à ce qu’Israël disparaisse : on commémore la shoah en Europe, ce qui n’est pas du tout le cas dans l’Iran négationniste et dans le monde arabe antisémite, mais on a, en Europe, un point commun avec l’Iran négationniste et le monde arabe antisémite, on n’a rien contre les Juifs morts, et on les préfère aux Juifs debout. Les Américains n’en sont pas là : quoi que pense Obama, quoi qu’imaginent ses conseillers « antisionistes », le peuple américain, lui, ne serait pas prêt à voir périr Israël. L’Europe décline et en est au crépuscule, même si, parce qu’ils vivent les yeux crevés par la télévision et le cerveau lavé par des discours ineptes tenus à longueur de journée, les Européens ne le discernent pas. L’Amérique a encore des forces vives. Obama passera. Il est déjà en train de passer et, dans la presse américaine, le nombre de journalistes qui se demandent s’il est non seulement gauchiste, mais profondément incompétent (ce n’est pas incompatible), n’a cessé de croître ces dernières semaines. Le peuple américain n’a pas basculé vers le socialisme à l’européenne, même si, dans un moment d’égarement, il a élu un agitateur social aux racines islamo-gauchistes à la présidence, le 4 novembre dernier. L’orage passera. Israël restera. Ce qui importe est d’éviter de trop lourds dégâts dans l’intervalle. Cela doit être la tâche essentielle pour l’heure.
Si je voulais terminer sur une lueur d’espoir, je dirais que la stratégie de l’Iran, malgré les discours excités qu’on entend venir de Téhéran, ne me semble pas être, pour l’heure, celle d’une destruction violente d’Israël, mais celle d’un étouffement graduel. Ce qui ne doit pas être oublié est que l’Iran n’est pas seul, mais fait partie d’une nébuleuse dictatoriale où se discerne l’ombre de la Russie poutinienne et, en arrière-plan, la Chine.La Russie poutinienne a des alliances et joue une partie d’échecs sur la planète. Elle place ses pions, tours et cavaliers. Les Européens sont des pions dociles. Obama prend, de manière cavalière, le chemin de Damas. Téhéran place ses tours. Ce n’est pas maintenant, pour le tsar et ses séides, qu’il faudrait renverser l’échiquier d’une manière trop brutale.